Lambert massacré à Versailles
Pierre-Edouard Lambert (1901-1985) est certainement des élèves de Perret membres de l'atelier de reconstruction celui qui est resté le plus fidèle à son maître, sans jamais transgresser son modèle. Au Havre, après avoir fait évidemment partie de l'équipe des ISAI, il est surtout connu pour avoir réalisé l'ensemble immobilier du "Front de mer Sud" (les îlots du Quai de Souhampton) dont la physionomie générale et les intérieurs sont emprunts de la filiation des ISAI. On lui doit aussi le lycée de jeunes filles, aujourd'hui collège Raoul Dufy, établissement scolaire admirablement traité en monument.
Ilot N37 et l'église Saint-Joseph (depuis l'ancien terminal d'Irlande - espace André Graillot). Ce n'est malheureusement pas moi qui est pris cette photo que l'on trouve sur le net, et si l'auteur veut bien se signaler...
Après la reconstruction du Havre, Lambert poursuit son oeuvre en région parisienne. On trouve ses réalisations essentiellement en banlieue, comme en Essone (voir le dossier une exposition de 2007) où à Versailles, dont le palais des congrès, achevé en 1970, qui est certainement le plus bel hommage à Auguste Perret.
Salle Richelieu du palais des congrès de Versailles : entre l'amphithéâtre du Palais d'Iéna et la salle de la comédie du Théâtre des champes Élysées (photo palais des congrès)
La dernière oeuvre achevée de Lambert se situe également à Versailles : il s'agit d'une maison de retraite, aujourd'hui Résidence André Mignot, rue Borgnis Desbordes construite de 1969 à 1972. On reconnait parfaitement le style du classicisme structurel : immeubles percés de portes-fenêtres alignées, structure poteaux-poutres, corniches, remplissage des paneaux avec des dalles de béton bouchardé.
(photos personnelles malheureusement réalisées avec un téléphone portable).
L'oeil aiguisé verra cependant quelques différences de conception avec les immeubles du Havre : la portée entre deux poteaux est d'environ huit mètres (et non de 6,24 mètres) ce qui permet de loger une porte-fenêtre supplémentaire (séries de quatre sur ces façades); pas de balcon filant, même au premier étage (bien que ce niveau soit marqué d'une corniche); pas d'entre-sol. En revanche ces immeubles sont coiffés d'un toit pentu en ardoises (non visible sur les photos). Cette licence au style Perret doit trouver sa justification uniquement dans les lois d'urbanismes de la ville de Versailles, classée par le décret Malraux.
L'immeuble situé le long de le rue du Maréchal Joffre est en pleine rénovation...plutôt destructive. Cette architecture si lumineuse ne devant plus satisfaire aux exigences actuelles, les portes-fenêtres sont remplacées par de simples fenêtres grandes ou beaucoup plus petites comme au troisième étage, voire des briques de verre comme sur la façade rue du maréchal Joffre quant elles ne sont pas tout simplement murées. Sur chaque flan se construit une extension, moins profonde et avec un étage de moins mais un grenier habitable éclairé par des fenêtre en chien-assis.
Le bâtiment en rénovation vu de la rue Borgnis Desbordes
Le même bâtiment rue du Maréchal Joffre.
Nous repasserons lorsque les travaux seront terminés. Le classicisme structurel de Lambert aura totalement disparu. Tout en concédant que ces bâtiments n'étaient pas des oeuvres architecturales majeures, on peut tout de même s'étonner que l'on puisse à ce point procéder à des modifications aussi importantes au sein d'un secteur protégé. Au Havre, les mêmes transformations seraient tout à fait réalisables, aucun immeuble de la reconstruction n'étant classé (ni même l'hôtel de ville). Certes, ce serait la perte du label "Unesco" mais on voit qu'il devient urgent d'entamer une procédure de sauvegarde.